Jeudi 24 août 2017
Il pleut. C’est un été triste. Juste idéal pour moi. Je viens d’arriver à Londres et je pense à mon dernier séjour en mai. Ce soir je comate un peu à Camdell Street où j’attends tapi dans la pénombre de ma chambre étriquée que la nuit tombe vraiment pour sortir à Dalston street où il y a un café store où ils annoncent une soirée à ma mesure. Je suis toujours curieux de découvrir une nouvelle soirée. Tonight je serai la médiévale queen. Je pense à la dernière fois que je suis venu à Londres, à mon hacking de la National Portrait Gallery raté, c’était juste avant les attentats, juste avant l’incendie qui a ravagé la tour.
Je suis ici en plein mois d’août et on vient tout juste d’annoncer l’attentat qui a eu lieu à Barcelone. Je pense à Stéphane Von Brach qui habite désormais à Barcelone. Je me demande s’il va bien. Je pense à nos rencontres fulgurantes sur le dancefloor, à nos danses toujours si énergisantes, aux photos en souvenir. Je me dis que j’aurais très bien pu être à Barcelone maintenant près des ramblas, dans cette ville où en septembre 2016 j’avais marché heureux et libre justement sur les Ramblas. Il faisait alors si chaud qu’à la Barceloneta j’étais descendu à la plage où j’avais pris plusieurs douches d’affilée devant les regards médusés des baigneurs. Je pensais que mes chaussures mouillées sècheraient plus vite. Elles étaient si lourdes à porter ensuite que j’ai un peu regretté mon enthousiasme. Je me souviens avoir traversé toute la ville en nage, avoir remonté un peu les ramblas pour aller pirater l’exposition consacrée au Punk au Musée du MACBA. J’étais heureux et plutôt fier d’avoir traversé la ville tout seul en plein jour. Sorte de piratage géant, comme une extension des possibles. Je suis toujours si heureux d’exister en plein jour et de pouvoir marcher seul dans des rues sans être inquiété. Sans me sentir menacé d’emprisonnement. Ce n’est pas le cas en F/Rance. Alors que ni à Barcelone ni à Londres ni à Berlin je ne suis interdit de séjour dans l’espace public. Les Musées c’est autre chose. Au MACBA je me suis fait refouler comme si souvent dans les Musées. Dans l’exposition il y avait des vidéos de Genesis P Orridge, comme ça me semblait un non-sens de faire une exposition sur le punk, parce que c’est l’institutionnalisation de ce qui devrait être ininstitutionnable et inaliénable, j’ai pensé que ce serait bien de foutre le bordel. PUNK is NOT dead. Mais ça n’a pas pu avoir lieu alors j’ai fait un selfie devant l’affiche « PUNK » et puis en marchant dans une petite rue à côté, j’ai vu une installation graphique au mur : DAYS TO COME. Elle m’a semblé emblématique de notre époque, des temps présents et à venir. Emblématique de tous les jours à venir désormais. Oui désormais nos jours sont placés sous le signe de l’explosif. Sous le signe brûlant du danger.
En partant du MACBA, en me dirigeant vers les ramblas, j’ai rencontré un photographe chilien Patricio Salinas Agurto qui a voulu me prendre en photo debout dans la rue. Il faisait si chaud que je venais de m’arrêter à la Fontaine pour m’asperger le visage.
Aujourd’hui je suis de retour à Londres dans la ville de Throbbing Gristle, lui qui est devenu ensuite S/he, IEL aka Genesis P Orridge avec Psychic TV, IEL qui a inventé le concept de pandrogynie, eux que j’ai eu aussi envie de pirater en mai dernier au retour de Londres.
La dernière fois que j’étais à Londres, j’ai voulu pirater The National Portrait Gallery, l’exposition intitulée « Behind the mask there is an other mask », une déclinaison de l’oeuvre de Claude Cahun. Il me semblait juste et presque évident qu’ils m’ouvrent leurs portes car j’incarne le prolongement présent de la question au présent, mais la Sécurité m’a bloqué.
Pour protester contre l’absurdité de ce refus et du monde de l’art obtus, j’ai décidé de faire un happening devant la National Portrait Gallery. J’ai sorti mon drapeau et je me suis posté sous l’affiche avec l’illustration de Claude Cahun qui porte son masque comme une dépouille. Et c’est sous cette affiche et sous le titre « Behind the mask there is an other mask » que je suis resté une petite demi-heure en déployant mon long drapeau où est inscrit le texte de la loi française de 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.
Plusieurs personnes se sont arrêtées pour me demander de leur expliquer ce qu’il y avait écrit. Personne ne semblait vraiment faire le lien entre qui j’étais et l’affiche qu’il y avait au-dessus de moi. Je me suis attiré une certaine sympathie, en particulier des vieux punks anglais. Alix a immortalisé ce moment
Quand je suis rentré à Paris fin mai 2017, je suis parti presque de suite au concert de Psychic TV. A peine arrivé, j’ai aperçu mon amie Marie Losier qui était tout devant devant sur le côté un peu surélevée, parce qu’elle est petite et parce qu’elle n’en veut pas rater une miette. En discutant avec elle, je débordais légèrement l’espace « sécurisé ». Un agent m’a repoussé j’ai dit que j’étais avec « eux », alors il m’a laissé. Quand je suis arrivé sur scène, Genesis m’a souri, la bassiste m’a accueilli adorablement. Quelques minutes après, le batteur m’a chassé. Quand je suis sorti de scène, l’agent de sécurité était furieux d’avoir été dupé. C’est alors qu’un homme m’a dit qu’il avait filmé mon action et m’a montré une photo qu’il avait prise lors du vernissage de Jean-Luc Verna au MacVal, où je suis non pas avec lui, mais avec Alix
Et puis il m’a envoyé le film.